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La tanière d'un hérisson
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La tanière d'un hérisson
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29 juin 2007

Lettre d'adieu

    Voilà, c'est décidé, définitif et sans retour possible. Ce midi j'ai dit aurevoir à ma classe, un petit pincement au coeur, mine de crayon, c'est pas facile de partir (même lorsqu'on n'était pas dans son élément). J'ai encore les larmes au bord des yeux, je crois bien qu'elles ne veulent pas sortir alors que je suis si heureuse et soulagée. Fidèle à moi-même, j'ai encore voulu me démarquer et laisser une trace de mon passage, un souvenir de voyage. Voici la lettre que j'ai addressée à mes professeurs.

            J’avais, il semble, tout pour « réussir », aller jusqu’au bout des deux ans de prépa, voire même, qui sait, décrocher une place à Normale Sup’ : une soif insatiable de connaissances, une bonne compréhension des attentes du système scolaire, une famille pour me soutenir, un environnement porteur et émulateur… bref, j’ « aurais du »...

 Alors pourquoi cet « échec » ? Et pourquoi en parler, pourquoi mettre par écrit mon expérience personnelle et vous la laisser ? Je vais d’abord répondre à cette deuxième question. Il me semble que je vous dois quelques explications, à vous, mes professeurs, à Clemenceau et à l’éducation nationale plus généralement ; c’est le minimum que je puisse faire au vu de ce que cette année m’a apporté (c’est-à-dire beaucoup). Je pense qu’en mettant le doigt sur ce qui n’a pas fonctionné pour moi, on pourrait permettre à d’autres étudiants au profil atypique de réussir en prépa, malgré le formatage que cela implique le plus souvent (il est certes superficiel, mais tout de même réel : il s’agit bien de préparer pour un type très précis d’évènement que sont les concours). Je compte parler ici de ce qui m’est arrivé, et non pas sortir de grandes généralités sur la prépa et ses élèves (loin de là !).

Pourquoi la prépa ne m’a pas convenu ? Etonnamment, ce n’est pas la masse de travail promise qui m’a freinée : je n’aurais pas eu à travailler plus qu’au lycée pour réussir (du moins je le crois). Non, ce sont d’autres facteurs qui m’ont bloquée. Et en particulier le côté « infantilisant » de la prépa. Nous sommes constamment tenus pas la main, guidés, épaulés. Ce qui est compréhensible étant donné la difficulté des efforts à fournir

Cependant, cela nous rogne toute notre autonomie : nous n’avons pas de décision à prendre, pas de choix décisif à faire, aucun défi à relever, autre que celui de tenir – tenir deux ans en serrant les dents. Et la course de fond n’a jamais été mon fort. Surtout quand je sais qu’au bout de cette épreuve d’endurance, tout me sera mâché. Car une fois entrée dans une école, le titre d’ingénieure m’est presque promis. Tout ce qu’il me reste à faire pour l’avoir est de… suivre les cours et les comprendre ! (c’est en tout cas l’image que les écoles me donnent).

Jamais pour m’en sortir je n’aurais donc du faire fonctionner ma créativité, me torturer les méninges pour me tirer d’une impasse mettant en jeu mon avenir, me démener pour sortir du lot et me faire un nom. Où est l’émulation tant attendue ? Où sont les défis ? Où sont les difficultés ? Et surtout, comment apprendre à s’en sortir plus tard, dans la « vraie vie », si je n’ai pas appris avant à faire face à de réels problèmes ? La prépa, et les écoles qui suivent, n’apprennent pas l’autonomie, elles apprennent à apprendre. Elles nous entraînent à résister et à persévérer malgré un milieu stressant contre lequel nous ne pouvons rien. Elles formatent, donc, puisque nous n’avons comme choix que de se plier aux contraintes, et non pas l’inverse. Or, je n’ai pas envie de me laisser porter par les évènements. En particulier dans ma vie professionnelle, je vise un poste à responsabilités. Je ne veux pas réussir en me coulant dans un moule, mais en restant moi-même. C’est donc un esprit d’initiative qu’il me faut, et non pas une médaille d’endurance. La prépa ne semble pas nous former à découvrir les choses par nous même, et est-ce vraiment là ce qu’on attend d’un chercheur scientifique digne de ce nom ? Certes, je caricature, mais c’est vraiment le sentiment que j’ai.

        Mes « seuls » moments de satisfaction au cours de cette année d’étude ont été les TIPE. Voilà, d’après moi, ce que devrait être un apprentissage scientifique : au lieu d’avaler consciencieusement les masses d’informations qu’on nous assène joyeusement, allons les chercher nous même ; et peu importe si nous patinons, au moins notre intelligence vive entre en jeu. Il est bien sûr actuellement impossible de baser l’enseignement uniquement sur l’empirisme. Mais il devrait être possible, et même conseillé, pour les étudiants qui en sentent le besoin, de tâter à de la « science pratique ». Faute d’avoir à se battre quotidiennement pour notre réussite, cela permettrait au moins de stimuler notre intellect devant des défis plus ponctuels. Et cela apporterait sûrement la motivation nécessaire aux élèves hors des normes pour « jouer le jeu » jusqu’au bout.

         J’espère trouver à la fac la motivation qui m’a manquée cette année. Là-bas, si je veux me démarquer de toute cette foule anonyme, il va me falloir me donner du mal, prouver constamment ce dont je suis capable (ce que je n’ai jamais senti nécessaire en prépa : si j’y suis entrée, c’était bien pour mon talent scolaire. Quel besoin de le montrer puisqu’il était officiellement établi ?).

        La prépa m’a tout de même apporté beaucoup : de solides méthodes de travail et de réflexion, une bonne culture scientifique de base, et surtout une meilleure compréhension de mon propre fonctionnement. Merci donc pour cet enrichissement. J’espère que mon témoignage permettra à d’autres après moi de se sentir plus à l’aise en prépa. Je sais bien que l’objectif concours limite votre marge d’action, mais je pense tout de même que vous avez suffisamment d’autonomie et d’inventivité pour changer légèrement d’angle d’approche et permettre ainsi l’épanouissement d’un plus grand nombre de vos étudiants.

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Commentaires
N
yoyo al<br /> avec ce sentimentde passer à coté de ta vie réelle et de ton libre arbitre tu a très très bien fait je pense de sotir de cette voie ou tu te sens à l'étroit. moi aussi je resens cela parfois mais j'aime bien ce mode de fonctionnement car il laisse le champ libre et fait naitre une soif de connaisances. c'est surement différent en prépa lettres, car on sait que les chances de réussir le concours sont presques nulles ces deux années seront sans doute une parenthèse enrichissante et culturellement très exploitable.
G
'lu toi ! C'est bien dit, tout ça. Mais ça m'étonnerait qu'ils changent quelque chose pour autant...<br /> Bon, c'est pas dur de se démarquer, à la fac, suffit d'être un minimum bosseur et présent. (-;<br /> <br /> T'as pas de raison d'être triste, t'as fait le bon choix, c'est sûr.
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